Alkimen, suivi de près des anciens prisonniers qui se réjouissaient de leur liberté, parlait avec un d'eux de la façon d'où ils regagneraient la côté Lumineuse. Le paladin lui expliqua que tout d'abord, ils étaient entrain de rejoindre la plage, et qu'ensuite, ils construiraient un navire de fortune pour gagner Irion. Ils marchèrent plusieurs heures, retracèrent la chaleur moite argileuse, emportant avec elle plusieurs pauvres hommes. Bientôt les nuées de moustiques arrivèrent. Ce fut une catastrophe. Alkimen avait une couverture et s'en était enroulé, et certains aussi, mais la plupart périrent piqués par les terribles blessures empoisonnées que faisaient ces sales bestioles. Lorsqu'ils arrivèrent enfin hors de portée des moustiques qui s'étaient lassés, et rassasié, ils étaient exténués, fatigués, et la chaleur moins poisseuse n'était que plus puissante.
Le temps passa, et trois bonnes heures après, traversant une petite forêt tropicale, ils débouchèrent sur la plage, avec les eaux d'espoir. Ils burent de l'eau, certains la dessalant comme ils le pouvaient d'autres buvant à s'en brûler la gorge. Ils se baignèrent pour atténuer la souffrance des piqûres, et la joie vint dans la colonie avec la même insistance que lorsqu'ils avaient été libérés.
-Oh ! Les amis ! Au boulot ! Avec nos lames coupons bois et lianes, et avec nos casques ramassons sève et colle locale !
Alkimen avait crié son discours avec enthousiasme, et ce dernier contamina les autres de bonne humeur. Tous se mirent au travail, quinze joyeux lurons s'occupant de rameuter les buches. Certains se mirent avant de les attacher avec des lianes, à les coller entre elles avec une sève tropicale. A la fin de la journée, le lourd radeau n'était certes pas encore fini, mais bien avancé. La compagnie pourrait s'en aller le lendemain, probablement. Ils dormirent tous au coin d'un petit feu, ronflant paisiblement enfin depuis des mois.
A l'aube, après un frugal repas composé de poissons maigrelets et de plantes sauvages, ils s'affairèrent à terminer le navire de fortune si vite que vers la moitié du jour, ils le mirent à l'eau. Ils contemplèrent le radeau flotter, et les hommes allèrent s'allonger dessus. L'un des prisonniers était marin, et il confectionna une espèce de gouvernail, pour naviguer contre vent. Après avoir coupé un ultime tronc, pris les morceaux qui convenaient, attaché certains de leurs habits pour former une voile qu'ils attachèrent au mas improvisé, ils purent enfin partir, les marins s'occupant avec des rames basiques de se diriger vers Irion. Heureusement, ils avaient gardé les provisions.
Après un mois de navigation sous le vent froid, Alkimen lui avait survécu sous sa couverture et ses habits, mais certains n'avaient pas eu autant de chance. On les avait retrouvé gelés, le coeur arrêté. Certains s'étaient suicidé, se jetant dans la mer. Partis quinze, ils n'étaient plus que cinq. Ils virent des mouettes, et leurs cris de joie furent d'immenses ovations. Tremblant de fièvre, les membres faibles et frêles, ils arrivaient à proximité d'une terre. La ligne de celle-ci se dessinait à l'horizon, et Alkimen en déduisit que cette nuit, ils seraient arrivés. Il se remémora son départ, fier de lui, anneau de chasteté au doigt, regard luisant de plaisir sous l'aventure qui se déployait vers lui, dessinant un destin magnifique, plein de victoires et d'orgueil. Il se rappela ses habits brodés d'or, sa flamberge signée à son nom, ses cheveux blonds. Lorsqu'il arriverait, il se laverait et se raserait, s'habillerait normalement et mangerait comme un lion, mais avant il confierait les prisonniers aux prêtres.