Arrivée (6)

La radeau pourri faillit s'effondrer lorsqu'il arriva au port. Certains marins leur crièrent des insultes, se moquant de leur bateau mangé aux mites. Alkimen demanda une corde et un homme barbu et compatissant leur en lança une. Les anciens détenus le remercièrent d'un signe de tête fatigué, et Alkimen s'affaira à attacher leur épave à un pic réservé aux navires. Il monta ensuite à quai, et ses jambes se dérobèrent sous lui. Il faillit s'évanouir, il se ressaisit comme il le pouvait mais retombait toujours sous les rires des gens. Mais le même gaillard qui leur avait lancé la corde le releva, et aida les autres à remettre pied à terre. Le dit-paladin remercia l'humain et, ayant perdu ses repères lui demanda où se trouvait l'institut des Paladins de la Sainte Lumière. Le gars leur dit qu'il allait les mener jusque là. Il allait partir comme boussole quand le héros blessé lui agrippa le bras et le pria d'abord de les amener à un temple. Il les amena jusqu'à une petite église discrète, où les prêtres les aidèrent et soignèrent.
Lorsqu'Alkimen se réveilla, il vit une nonne se pencher sur lui et panser ses blessures. Il la questionna, voulant savoir où étaient ses amis. Elle lui expliqua qu'ils étaient aux bains. Il acquiesça silencieusement, puis finalement, demanda à voir celui ou celle qui s'occupait du bâtiment religieux. Une vieille dame, aux mains parcheminées, se dit être celle qui gouvernait, et il la supplia par la Sainte Lumière de s'occuper pendant les mois à venir des anciens prisonniers, car ceux-ci auraient du mal à se réhabituer à la vie normale. Elle le jura devant le Dieu Céleste, et Alkimen se sentit rassuré. Son dos se reposa sur le lit, et il retomba dans un sommeil sans rêves.

Il ouvrit les yeux trois jours plus tard. Il se leva, s'habilla d'une toge en toile, et se dirigea seul vers la salle de bains, mais se perdit car il ne savait où elle était. Il arriva devant une petite pièce, dont il ouvrit la porte, un peu dans les vapes. Il vit un spectacle étrange: les religieuses avaient la bouche concentrée sur le coup, et lorsqu'il entra, elles levèrent leur tête d'un même mouvement. Du sang dégoulinait salement de leurs dents. Alkimen fut stupéfait d'horreur, et ne put s'empêcher de vomir sur le sol de marbre gris jaspé de blanc. Les nonnes étaient des foutues vampires ! Il se retourna, la tête lourde et le ventre vide, et courut du mieux qu'il put. Il finit par trouver la sortie, suivie de près par les harpies. A peine eut-il atteint la porte que celle-ci s'ouvrit, l'assommant à moitié. Alkimen fut attrapé par les femmes, mais heureusement le bon samaritain du port était là. Seulement, il fut tué par les vampires d'un coup de griffes contre les cordes vocales. Le temps qu'elles contemplent la mort subite du pauvre homme, le paladin était sorti de l'église.

-Revenez ! cria l'une des vampires en un hurlement strident.

Alkimen sur son passage, plein de sang, répandit la nouvelle que l'église était infestée de vampires. Il demanda son chemin à plusieurs passants, et l'un d'eux tenta même de le détrousser. Mais il lui assena un coup sur la tête. La nuit était tombée, et il vit enfin l'Institut des Paladins. Il monta les marches impériales d'un air pressé, devant le garde suspicieux de voir une espèce de clochard vouloir entrer dans un saint bâtiment. Mais il lui barra l'entrée.

-Qui êtes-vous ? ordonna-t-il.

Alkimen était abasourdi, terrassé de fatigue. Il se présenta, Alkimen, Paladin au service de la Sainte Lumière et des Dieux Célestes. L'homme ne broncha pas.

-Avez-vous votre passe sur vous ? demanda-t-il d'un ton narquois, et on se demandait quand est-ce qu'il cracherait sur le héros.
-BIEN SÛR QUE NON ! J'ai fait un voyage de plusieurs mois, prisonnier des orcs de l'avant-poste des Terres Arides, pas loin de l'observatoire. Sur bateau, j'ai été fait esclave. Alors s'il vous plait, je demande à entrer !

Alkimen commençait à en avoir marre. L'autre n'obtempérait pas, Alkimen lui cassa le nez d'un coup de tête bien placé. Légèrement sonné, il frappa le garde à la nuque, et celui-ci s'effondra, inconscient. L'humain qui avait résisté aux orcs et aux vents et marrées, entra dans un immense hall, où une statue d'un homme très beau était représentée au milieu: c'était Lum'Dix. Alkimen courut, et ne voyant personne, hurla. Des hommes accoururent. Alkimen se présenta, mais avec ses poils sales et touffus, personne ne le reconnut. Alors le paladin s'effondra sur le sol, et pleura de tout son corps. A dix-neufs ans, ses émotions étaient virevoltantes, et son crâne surchauffait. Il fallait qu'il se soulage, et les pleurs étaient un moyen efficace. Un centaure s'approcha, et Alkimen relevant la tête reconnut Stan.

-Stan ! C'est moi, Alkimen !

Et le mi-homme regarda son ami avec concentration. Son visage s'illumina lorsqu'il reconnut son camarade. Il ordonna qu'on emmène le pauvre homme dans une salle de bains, et qu'il soit lavé si proprement qu'on puisse le reconnaitre pleinement.
Alkimen fut trempé, frotté de toutes parts par des gants rêches pleins de savon, et la crasse s'en alla. Ses cheveux furent nettoyées de toute la vermine, les poux et lentes exterminés, et on lui coupa les cheveux, et on rasa sa barbe longue. On l'habilla d'une chemise de soie bleue azur, et de braies unicolores, d'un bleu sombre. Chaussé de bottes en daim noirs, on lui demanda une question indiscrète avant de lui remettre un anneau de chasteté. Nettoyé de partout, lorsqu'il rejoignit Stan le Centaure, tout le monde reconnaissait Alkimen, Fils des Cieux, disparu depuis environ quatre mois et demi. L'humain se réhabitua à la vie de paladin, et dans les jours qui suivirent, il reprit l'entraînement, du poids et des muscles, même s'il préférait rester mince que bien en chair.
Alkimen écrivit un journal ressassant les derniers mois, et il le confia à ses supérieurs. Il décrivit tout l'avant-poste des terres arides, dirigé par Gorgrim, un orc digne qui l'avait aidé (mais qui n'en restait pas mois un orc). On le remercia, et on parla de lui dans les journaux de la ville comme étant un Héros Digne aux émotions et à la tête dures. Sa gloire augmenta, et bientôt il reçut des demandes de tout le pays lui demandant de protéger telle ferme ou telle bâtiment, de retrouver telle personne, et d'autres missions bien plus glorifiantes.